samedi 26 septembre 2015

Fortune des Rougon, L.A n°1

p.70, 71 du roman, l. 547 à 588

Par Antonin, Vincent, Deac'hlan :
Introduction : Emile Zola est un auteur français né en 1840 et mort en 1902. Il est l’initiateur du naturalisme dont il est le chef de file. Cet auteur est principalement connu pour sa fresque romanesque Les Rougon-Macquart qu’il a fait paraître entre 1871 et 1893 mais également pour ses prises de position politiques notamment en 1898 avec sa lettre ouverte « J’Accuse » publiée dans le journal l’Aurore où il prend la défense de l’officier Dreyfus. La Fortune des Rougon, publié en 1871, est le premier roman des Rougon-Macquart. L'histoire se passe en décembre 1851, au moment du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. L’extrait dont il est question est situé dans une analepse du chapitre 2. Il relate la manière dont Pierre Rougon se débarrasse de chacun des membres de sa famille, et plus précisément, ici, de sa mère Adélaïde. Nous allons donc voir comment Zola décrit cette relation grâce au registre pathétique. Nous allons nous interroger sur les moyens qu’utilise Zola pour témoigner d’un certain rapport de force entre les deux protagonistes qui fait de Pierre un homme immoral et d’Adélaïde, une mère vulnérable.

I- Pierre ,un homme immoral
A) Immoralité
B) Violence
C) Inspire du dégoût

II- Adélaïde, une mère vulnérable
A) Folie/Normalité
B) Humanité/Animalisation
C) Mise en retrait/Marginalité

Ouverture : Cet extrait peut rappeler le roman d’Albert Camus, L’Etranger qui est paru en 1942 : il y est également question d'une relation mère-fils ; bien que dans L’Etranger, la relation entre Meursault et sa mère ne soit pas décrite, elle marque le début de l'histoire et frappe le lecteur par sa froideur, comme si le narrateur n'éprouvait rien pour la défunte.
Pierre
Adélaïde
CL Famille
Comparaison L16-17
Hyperbole L1-2
CL du Calcul
Cl de la violence
CL de la mort
CL de la faiblesse
Métaphore « éclaboussures de sa Honte »
CL de L’habitat
Focalisation interne à Pierre
Cl de la souffrance
Cl de la folie atténuée
Hyperbole L28
CL de la passivité
Chosification/métaphore « s’attacher au pied un boulet »
CL de la sensualité
Enumération L54
Focalisation omnisciente



Pour une L.A plus détaillée : 

Rappel : Pierre s'est débarrassé d'Antoine (Conscription) et d'Ursule (Mariage avec Mouret). Reste Adélaïde.

I. Pierre, la force brute

A. Pierre, froidement calculateur
- l.1 à 14 : focalisation interne à Pierre : on est dans ses pensées : absence de jugement moral sur sa conduite :
-CL du souhait : voulait l.2, aurait désiré l.3, souhaitait l.11, désirs l.40
-irréel du passé : aurait désiré l.3, aurait dérangé l.9
Alternatives « embarrassantes » : qui le mettent dans l'embarras, ne sait pas que choisir.
-CL du calcul : alternatives l.4, calculs l.9, moyen l.12, résultat l.14, compter l.40, réalisation l.40
-Exposé du problème : phrase minimale et elliptique en tête de paragraphe : le nom du problème : « Adélaïde ». Double sens de la phrase : 1) Adélaïde restait à la maison ; 2) Il restait le problème d'Adélaïde.
-Explication du problème : hyperbole « pour rien au monde » + éloignement textuel entre « Pierre » et « elle » rejeté en fin de phrase → objectif implicite : se débarrasser d'Adélaïde.
-Argument très clair dans la stratégie de réussite de Pierre : phrase courte et efficace « Elle le compromettait ».
-Confirmation de l'argument : tournure emphatique « c'est par elle qu'il... » + de nouveau tournure elliptique : « commencer » (commencer quoi ?) →fort implicite.
-Le dilemme qui empêche la réussite de son objectif : Adversatif « mais » marque une rupture et annonce le dilemme ; métaphore de l'immobilisme : « il se trouvait pris entre » (d'où l'impossibilité d'agir) ; parallélisme de construction des deux alternatives : infinitif + conséquences négatives introduites par un connecteur logique : « et alors », « et à coup sûr ».
-La solution, très claire elle aussi grâce à l'apposition « celui d'amener Adélaïde à s'en aller d'elle-même » : le pronom réfléchi « elle-même » montre que la solution réside en Adélaïde.
-La méthode : la litote « ne négligeait rien » insinue qu'il faisait beaucoup pour atteindre son objectif.

B. Amoralité et cruauté
-Manipulation : « il allait avoir besoin de tout le monde » l.10-11
-Ambition de Pierre : « élan de son ambition » l.7, métonymie hyperbolique : « Plassans entier » l.12 (et non pas seulement une partie).
-Amoralité : l'hyperbole « parfaitement excusé » l.15, en antithèse avec l'euphémisme « duretés » (« brutalité » aurait été mieux approprié) prouve d'une part qu'il n'a pas conscience de faire le mal, et d'autre part qu'il minimise ce mal.
-Lexique de la brutalité : duretés l.15, punissait l.16, férule l.18, coups l.26, brutalités l.35
-La métaphore « la tuer de ses regards » l.22 confirme son inhumanité : c'est sa mère qu'il tue.
- C.L de la mort
- l.41 à 56 : focalisation externe ou zéro, qui laisse le lecteur interpréter, mais une présence discrète du narrateur : Absence totale d'émotion à la mort de Macquart : il « observa curieusement » sa mère, comme une bête curieuse, un objet d'expérience ; il ne ressent rien.
- C.L de la famille renforce l'immoralité de Pierre (c'est sa mère qu'il maltraite)
- C.L de l'habitation et de l'enfermement : huis-clos oppressant entre Pierre et Adélaïde : chacun étouffe avec l'autre.

C. Hypocrisie
- l.14 à 40 : focalisation omnisciente, qui permet le jugement moral du narrateur sur Pierre : désignation non atténuée des agissements de Pierre : là où Pierre pense « duretés » l.15, le narrateur substitue « brutalités » l.35 ; évocation de ses « silences méprisants » l.34-35, qui viennent compléter « ses regards sévères » l. 22-23
Les valeurs de Pierre ne sont pas « bien / mal », mais « bonne conduite / mauvaise conduite », aux yeux du monde :
-l'inversion des valeurs est visible dans l'inversion des rôles, l.17 : Il la punissait comme on punit un enfant. Les rôles étaient renversés ».
-ses valeurs inversées justifient ses actes : le complément d'agent « par l'inconduite de sa mère » l.16 montre qu'il n'agit pas au nom du bien, mais au nom de ce qui paraît.
-Lexique de l'opprobre : « compromettait » l.2-3, « honte » l.6, « se faire montrer au doigt » l.8, « mauvais fils » l.9 + métaphore des « éclaboussures » qui salissent l.6
-En antithèse avec la volonté d'effacer la faute : « que son nom rentrât en grâce » : pour lui, la « faute » n'est pas d'ordre moral, mais social ; la métaphore « s'attacher au pied un boulet » (où le boulet désigne Adélaïde) est empruntée au domaine du bagne, comme si, tant que le « boulet » reste présent, la faute est présente aussi.
-Volonté de paraître, hypocrisie (hyporitès en Grec = le masque, puis l'acteur) : « ses calculs de bonhomie »


II. Adélaïde, l'innocence animale

A. Registre pathétique lié à sa description
-l.14 à 40 : focalisation omnisciente, qui permet le jugement du narrateur : regard pathétique sur Adélaïde :
-désignation : « la pauvre femme » l.18, « la malheureuse » l.24.
-une hyperbolisation de ses souffrance : « épouvante » l. 20, « souffrait horriblement » l.24-25, « peur atroce » l. 31.
- plus Pierre grandit, plus Adélaïde s'efface : lexique de la soumission : sous cette férule l.18 (= sous la domination, le despotisme), lâchetés acceptées l.26, passivement l.26 ; antithèse entre « férule toujours levée » et « se courbait » ; lexique de la chute, du bas : se courbait l.19, humbles l.21, tombée l.21
- l.41 à 56 : focalisation externe ou zéro, qui laisse le lecteur interpréter, mais une présence discrète du narrateur.
-Aucune description de la douleur d'Adélaïde à la mort de Macquart, excepté par le regard de Pierre et par la négative : « pas verser une larme », mais sentiment de sa douleur profonde : « la douleur d'Adélaïde fut stupide ».

B. Entre humanité et folie
-Deux terme la rattachent à l'enfance : « enfant » et « enfance » , en antithèse avec « vieille femme » → qui est Adélaïde ? Personnalité insaisissable à l'inverse de celle de Pierre, froidement calculateur.
-Animalisation : par Pierre d'abord, qui hésite entre « la garder » ou « la chasser », comme pour un animal domestique ; elle n'articule pas de sons : « balbutiements » ; elle est fidèle à son maître, Macquart (qui pourtant la bat aussi, voir p. 84), « retournant quand même à Macquart » l.27 et « prête à mourir » pour lui l.27-28.
-Sa folie aussi : « vieille femme tombée en enfance » l.21 suggère la démence sénile ; « courir se jeter dans la Viorne » évoque l'hystérie ; « chair faible » et « femme nerveuse » insistent sur l'aspect physiologique de cette folie + la symbolique attirance d'Adélaïde pour « la frontière », l.32 : attirée par les limites, le hors-norme, l'a-normal.
-Tension entre ses désirs et ses actes : « désirs contenus » l.25, irréel du passé dont la réalisation est empêchée par un obstacle : « elle se serait levée pour courir » mais « peur atroce de la mort » l.29 et 31 ; puis « elle rêva de fuir » l.31-32 mais « ne savoir où se réfugier » ; et « elle l'aurait quitté » mais seulement « si elle avait eu un asile ».
-Mais humanité rappelée sans cesse : par son prénom, « Adélaïde » ; son statut, « mère » l.16 ; son âge « quarante-deux ans » l.19 ; ses émotions : « épouvante » l.20, « honte » et « désirs » l.25, « peur [de la mort] » l.31 ; et la désignation par le terme de « femme » l. 18, 21 et 30.


C. Des rapports inversés, symbole de l'inversion des valeurs : être intégré ou exclu de la société ?
-Macquart n'existe pas aux yeux de la société, sa mort et son enterrement sont à l'image de sa position sociale : le corps de Macquart n'est pas rapatrié, il reste symboliquement à « la frontière », dans des hauteurs « à la montagne », et dans un « petit village » : c'est-à-dire loin de la civilisation, de la ville, du monde d'ambition et de pouvoir où vivent les Rougon. Il n'a pas de nom dans cette phrase, uniquement une fonction anti-sociale : le « contrebandier » (l.45-46).
-Adélaïde hérite de « sa masure » et de sa « carabine », deux symboles : la masure = retirée dans « l'impasse saint Mittre », hors du monde, comme une réplique de la « frontière »  ou du retrait du monde ; la carabine = symbole de mort, indice de la tragédie à venir (celle de l'histoire et celle de l'Histoire). + « la douleur d'Adélaïde » à la mort de son amant : si Macquart ne valait rien aux yeux de la société, il représentait tout pour Adélaïde qui ne vivait que pour lui.
-De la même manière, isolement d'Adélaïde : suite d'actes automatiques et rapidement rapportés dans un sommaire l.53 à 56 : « elle se retira », « elle pendit » « et vécut là ».
-Elle devient la spectatrice indifférente du reste de l'histoire et de l'Histoire dont elle ne sera même pas un témoin (« muette ») : « elle pendit la carabine » et ne l'utilise jamais.
-Elle est désormais en marge de tout : elle « se retira », « étrangère au monde », « solitaire », dans « l'impasse Saint Mittre » (tout le contraire de Pierre qui lui, cherche à s'intègrer à la société).



NB.
-passé simple qui fait suite à l'imparfait de description qui précède.
-connecteur temporel soudain : « lorsqu'un accident » l. 39
-précision des circonstances de la mort : lieu : « à la frontière », « au moment où il entrait en France » ; temps : « venait d'être tué » ; comment : « par le coup de feu d'un douanier » ; pourquoi : « toute une cargaison de montres de Genève » (contrebande).
-La rumeur « on apprit que » est confirmée par une intervention du narrateur : « l'histoire était vraie ».

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